jeudi 20 mai 2010

Waterstone m'a tuer

La faute d'orthographe du titre est intentionnelle, référence à Omar, bande de moules. 

Ce matin, je me suis réveillée à 5heures, après trois petites mais plutôt bonnes heures de sommeil. A sept heures trente, je me suis dit qu'il était temps de se lever. J'avais les membres qui tremblaient mais je m'y suis habituée.

J'ai réfléchi à ma situation et je l'ai trouvée ridicule. Alors je me suis préparée, lentement. Et je me suis décidée à sortir. Les pieds dehors, je n'avais qu'une envie - non, qu'un besoin - rentrer. Avoir des murs autour de moi, pouvoir fermer une porte, être maitre de qui me voyait. Les muscles de mes cuisses ne voulaient plus me tenir. Pourtant j'ai marché, comme un nouveau-né un peu. Je suis arrivée à la fac, j'ai rendu une dissertation au bureau, j'ai même parlé avec une libraire deux-trois secondes - puis je suis sortie. Et là, j'étais tiraillée entre l'envie de rentrer me cacher sous la couette et celle de me balader un petit peu, de profiter de l'air printanier du dehors.

Et comme je suis une grosse kamikaze je me suis dit "bof aller pourquoi pas aller au centre commercial tant qu'à faire". Oui, le truc avec plein de gens qui grouillent partout. Sale folle.

Sur le chemin j'ai vu le Summer Market, et les marchands de bonbons aussi. C'était joli.

Devant le C.C. j'ai pris peur. Il n'était que 10h30 du matin, donc très peu de monde. Oui mais, d'un coup d'un seul je me suis rappelé de cette foutue théorie du panoptique/panoptisme de Bentham et Foucault qui est reproduite à la perfection dans ce putain de Centre Commercial. En clair, peu importe l'endroit dans lequel on se trouve, tout le monde nous voit. Aucun angle mort. Filet de sécurité: nul, troué, absent.

Mais j'allais quand même pas m'arrêter en si bon chemin. Je me suis adossée un petit moment contre un lampadaire près du square, tout en farfouillant mon mp3. Là j'ai mis l'album Battle For The Sun de Placebo.

Vous savez, cette étrange réaction émotionnelle pâtissière, la madeleine. Moi j'aime bien appeler ça les synesthésies des sentiments, même si ça n'a pas grand chose à voir. La synesthésie me fascine.  J'aimerai bien l'être une journée, juste pour voir ce que ça fait. Mais comme ça n'arrivera pas je m'invente mon propre don cénesthésique Proustien, celui que tout le monde ressent - celui qui fait qu'une cuillère en bois me fait toujours penser à un burger, que le meurtre d'Agamemnon de Guerin me rappelle le tabulé, ou que le Chanel n°5 me donne envie de mettre un foulard rouge en satin sur le nez.

Bon et bien, le single Battle for the Sun est sorti le 19 mars 2009. C'était un jeudi. Le jeudi, je voyais ma psychiatre. Deux jours plus tôt, ma dieteticienne, les larmes aux yeux, me disait "vous avez pris 200grammes cette semaine". C'était la première fois. Il faisait beau, le soleil narguait mes petites tables Ikea sur lesquelles j'avais mis mon ordinateur. Et j'écoutais ce putain de single et je me suis dit "bof, il a pas tort lui". Et j'étais pleine d'espoir. Et je suis allée à mon rendez-vous le cœur léger.
Alors cette chanson, et cet album, sont arrivés à un moment de ma vie où j'avais l'impression que les choses changeaient. Changeraient. Donc mon inconscient a avalé goulument cette émotion, et comme il savait très bien qu'il allait la flinguer, au lieu de la tuer complètement il l'a mise dans une pochette d'album. 
Donc à chaque fois que j'écoute ces quelques titres, je me sens plus forte. Alors je l'ai mis dans mes oreilles et je suis rentrée dans le Centre Commercial.

Pratiquement personne n'était là. Tant mieux, mais j'étais quand même très anxieuse. Mes muscles se sont raidis, tellement que maintenant, à peine trois heures plus tard, j'ai des courbatures. Alors j'ai filé au Waterstone. Il y avait quelques clients, mais pas assez pour se sentir bousculée ou oppressée. Et bien assez pour ne pas avoir l'impression que les vendeurs vont scruter nos moindres gestes.
Je suis allée au rayon A to Z et je suis rentrée dans un espèce de monde parallèle ou l'argent les névroses le capitalisme les tablettes de chocolat les préservatifs le cancer les ours blancs tout ça rien de tout ça ne comptait. Mon plus grand problème c'était de savoir lequel prendre, lequel sentir, lequel feuilleter Lequel était le plus beau ? Le plus ordinaire ? Le plus séduisant ? Oui, mon plus grand problème quand j'arrive à Waterstone, c'est que je veux tellement tout acheter que je n'achète rien.

Aujourd'hui fut l'exception qui confirme la règle, ma carte bancaire en a fait les frais (jeu de mots.... jeu de mots...).

Regardez comme ils sont heureux là sur mon lit. Et qu'ils sont beaux, tous. Oh oui ils vont s'épanouir chez moi, je les soignerai bien.
Non mais franchement, pourquoi Waterstone décide comme ça sans me prévenir de faire des réductions sur les collections Penguins ?
Donc j'ai d'abord acheté Wuthering Heights d'Emily Brontë. Pourquoi? Déjà, des trois soeurs, c'est ma préférée. Je dois être fascinée par les destins tragiques, je ne sais pas... Certes, les trois soeurs sont mortes très jeunes, et dans d'horribles circonstances, mais Emily fut la première. De quoi est-elle morte ? De la tuberculose, qu'elle attrapa aux funérailles de son frère. Triste ironie. Autre raison qui motiva mon choix :  ça fait des lustres que je veux lire ce roman, son seul roman. On parle toujours de Jane Eyre de Charlotte, mais qu'en est-il des autres ? Aussi, les circonstances dans lesquelles elle trouvait son inspiration m'épatent un peu. Elle s'enfermait dans son jardin et calculait la moindre parcelle de paysage. Elle pouvait écrire un poème sur un brin d'herbe sans être chiante. J'adore ses poèmes. Voilà.
En plus l'histoire a l'air trop bien. Les conséquences d'une âme trop amère d'avoir été rejetée par l'amour de sa vie, ce pour des raisons non pas sentimentales mais sociales. Une vengeance aveuglée par la passion, moi je kiffe, fact.
-> En plus regardez comme il est beau. Il brille, le papier est fin, il sent presque aussi bon qu'une pléiade. Oh et oui, j'ai un vernis magnifique, merci de le constater.
Mais à la base je voulais m'acheter un livre contemporain. Un best-seller, même. Parce que je trouve que je les dénigre bien trop souvent, alors qu'en général quand je m'y aventure je ne suis que rarement déçue. Je me suis toujours pas remise de la claque de James Frey. Alors j'ai farfouillé, farfouillé, et j'ai trouvé le japonais Haruki Murakami. Ca ne vous dit peut-être rien, mais c'est l'auteur de Kafka On The Shore (Kafka sur le rivage). Mais ce n'est pas ce livre que j'ai décidé d'acheter. J'ai lu la quatrième de couverture de After Dark et j'ai accroché ; mes doigts non plus n'ont rien voulu lâcher, je n'ai donc pas lutté. Un petit aperçu :

'[...] Meanwhile Mari's beautiful sister Eri sleeps a deep, heavy sleep that is 'too perfect, too pure' to be normal; she has lain asleep for two months. But tonight as the digital clock displays 00:00, a hint of life flickers across the TV screen, though the television's plug has been pulled out.
Strange nocturnal happennings, or a trick of the night?'
Chaque chapitre, un créneau horaire précis, et le livre se déroule sur un peu moins de sept heures. C'est tellement bizarre que ça m'intrigue.

Troisième livre, Nabokov, Lolita. Parfois j'achète des livres que j'ai déjà lus. Je ne l'ai pas chez moi, car je l'avais emprunté à l'époque. Il y a Dominique Swain sur la couverture, avec les mêmes barrettes papillon que moi. Et la coiffure en tresse qui me fait penser tout particulièrement à une amie très chère. Dominique Swain tout entière me fait penser à cette amie très chère en fait. Puis ce livre, il me le fallait. Acheté, donc.

Les trois autres livres sont tous des Penguins, qui a sorti un collection spéciale où les volumes sont triés par décennies. J'ai vu A Clockwork Orange SANS la couverture banale reliée au film. Là c'est une jambe de femme en talons aiguilles sortant d'un tourbillon coloré, dans les tons de orange bien sûr. J'ai juste trouvé l'illustration excellente, elle rappelle très finement beaucoup de passages de l'histoire.

J'ai aussi acheté I'm the King of the Castle de Susan Hill. La seule chose que je sais à propos de cette femme, c'est qu'elle a une coupe de cheveux affreuse et qu'elle est apparemment plus ou moins fascinée par le gothique littéraire. Soit. Honnêtement, je ne l'ai pas acheté pour l'auteur, mais pour la couverture très jolie, et le résumé du texte paraissait alléchant : la, je cite, 'cruauté' et 'persécution' comme thèmes clefs de l'enfance, à travers deux gamins forcés à vivre ensemble dans une famille recomposée sous l'éducation "aveugle" des parents. Enfants et cruauté, moi j'aime bien.

Arrivée à la caisse le vendeur me dit "Vous avez le droit à un livre gratuit dans la collection Penguin".

Moment de stress intense, la bulle éclate, mes jambes me fuient. Non, ça ira, je sais déjà lequel choisir, ça ne prendra pas longtemps.
The Children of Dynmouth de William Trevor. Un ado étrange qui s'intéresse d'un peu trop près aux adultes, lesquels ne réalisent que trop tard les réelles intentions (qualifées de "sinistres" et "démoniaques") du jeune homme. OK.
Ils sont tellement mignons ensembles mes petits bouquins. Brontë a même enlevé son manteau pour jouer avec les autres :


Bon, ensuite j'ai un peu pété un plomb quand même, alors je suis vite rentrée à la maison en évitant le regard des gens, et là je me suis enfermée dans ma chambre. Je prie pour que personne ne vienne me déranger.
Et peut-être qu'à un moment je vais travailler, aussi. C'est parti.

3 commentaires:

  1. Eugénie <3 Je te suis tout à fait sur ce que tu as écrit à propos de Placebo. C'est marrant tu vois c'est ce que je me suis dit aussi "Bah, il a pas tort lui".
    En tous cas je suis super fière de toi de t'être fait violence et d'être allée là bas (en plus tu as rendu une rédac!)
    Sinon, j'avais lu "Norwegian Woods" de Murakami, j'avais adoré. Franchement je te le conseille. Je suis assez tentée de lire celui que tu as pu choisir en dernier, tu me diras ce que tu en penses! Quant à Lolita... Je le lis en ce moment aussi, encore! <3

    Je t'aime.

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  2. Il est super 'Le passage de la nuit', si tu aimes, je te conseil la fin des temps aussi. Je suis une inconditionnelle de cet auteur de toutes façons. J'espère que tu nous diras ce que tu as pensé de ces petits livres. x

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  3. je suis en train de lire sputnik sweetheart de murakami, il est vraiment bien. c'est marrant l'autre jour j'étais à la librairie et j'ai failli acheté celui que t'as acheté, mais bon. Apres réflexion je me suis dit qu'il fallait que j'évite les tentations qui me distrairaient de mes essays !
    love you. <3

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